COLLOQUE INTERNATIONAL / Les établissements scolaires privés musulmans : Une offre éducationnelle comme les autres ? - 7-8 novembre 2019 – Campus Saint Jean-d’Angély - Nice

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Appel à communication

 

En cours de développement ces quinze dernières années, les établissements privés musulmans restent peu étudiés, voire absents, du champ académique de la recherche sur l’école[1], les religiosités juvéniles et, dans une moindre mesure, les travaux sur les stratégies scolaires des parents. Chaque projet d’ouverture est mis en scène dans une arène médiatique des peurs, tandis que l’augmentation des établissements et des élèves est inversement proportionnelle aux polémiques qui l’entourent. Sans doute amplifiées dans le contexte actuel post-attentat 2015, les crispations se focalisent sur l’expression d’une socialisation musulmane en France comme en Europe (Frégosi, Willaime, 2001) et ravivent ainsi la passion française pour la laïcité scolaire.

S’il est commun de rappeler avec Dubet, (2010) que l’école publique est centrale voire sacralisée en France par son fonctionnement de distribution des places dans la société, elle n’en reste pas moins historiquement située dans des luttes entre l’autorité politique et le pouvoir religieux. Perçue comme un « bien commun » au service de la Nation, l’école s’assigne pour mission la formation politique à la citoyenneté du peuple dans un espace scolaire laïque depuis les lois Ferry de 1882 et Goblet de 1886. C’est dans cette perspective qu’elle est « une affaire d’État » selon le bon mot de Guizot. Le privé confessionnel s’inscrit historiquement dans une tradition du conflit de la procédure de séparation en référence à la loi de 1905, en même temps qu’il interroge les fondations d’une société pluraliste. L’émergence des établissements musulmans n’échappe pas à cette configuration que cristallise la prise en charge des jeunes filles voilées exclues de l’école publique en 1989[2]. La récurrence des mobilisations, entre les partisans d’une école libre et les défenseurs de la laïcité, réactive ainsi la question du privé confessionnel (Portier, 2016) à travers la virulence des débats sur la place des signes religieux et leur interdiction à l’école publique que porte la loi de 2004[3].

La prise de conscience tardive de la présence des descendants d’immigrés dans la société française transforme les enjeux de scolarisation et de socialisation religieuse des jeunes générations en une question vive. Elle contraste singulièrement avec le nombre des d’établissements privés confessionnels musulmans en fonctionnement, la contractualisation récente de quelques-uns d’entre eux avec l’État au cours de cette dernière décennie, et les finalités éducatives et religieuses affichées. D’immigrés, les parents et leurs descendants deviennent « musulmans ». Ce changement de catégorie impose une nouvelle grille de lecture de la reconfiguration du social où l’islam et l’immigration se connectent avec la demande croissante de nouveaux besoins en matière de vie communautaire et religieuse. Le mouvement des Musulmans de France - MF (anciennement Union des Organisations Islamiques de France – UOIF) a inauguré le processus de contractualisation avec l’État en situant clairement les établissements scolaires musulmans du réseau de la Fédération Nationale des Établissements Musulmans (FNEM) dans un marché scolaire concurrentiel. Les responsables de la FNEM expriment l’objectif de former une « élite musulmane française intégrée dans la communauté nationale » ainsi que le rapportent les auteurs de l’étude de 2010 sur les établissements privés musulmans (Amghar et al., 2010, 32).

Dans la perspective de ce colloque, il s’agit d’établir un état des lieux de la situation des établissements scolaires privés musulmans à partir d’une approche croisée avec des chercheurs et des acteurs du terrain (familles, personnels enseignants, responsables académiques et associatifs…). Plusieurs axes composent les orientations pluridisciplinaires en proposant de questionner une intrication des multiples enjeux éducatifs, sociaux, religieux, et politiques pour envisager une approche comparative à l’échelle nationale et internationale. En situant les choix éducatifs des parents dans un marché du privé confessionnel, on interrogera la place de l’islam, et plus globalement des religions, à la fois dans le processus éducationnel et dans l’émergence d’un leadership religieux par le biais de l’école. On s’intéressera en outre au processus de régulation de l’enseignement de l’islam en contexte sécularisé ainsi qu’aux débats actuels sur les réformes de l’école privée confessionnelle. Les différents axes et tables rondes de ce colloque international peuvent ainsi permettre de développer une analyse réflexive sur la fabrique d’un nouvel ordre éducatif dans le processus de formation religieuse des jeunes générations qui se revendiquent de l’islam.

Axe 1.  La structuration des établissements privés musulmans : un marché scolaire en perspective

On envisagera dans cet axe un état des lieux des établissements privés confessionnels musulmans dans le paysage scolaire par comparaison avec l’actuelle organisation des établissements confessionnels catholiques, juifs et protestants. Cette perspective a pour ambition de questionner une structuration au prisme du champ scolaire à travers les différentes instances fédératives à l’échelle locale et nationale selon une diversité des établissements et des positionnements religieux et idéologiques. Elle vise en outre à prendre en compte les missions et les orientations en termes de politiques scolaires que s’assignent les responsables des établissements privés confessionnels musulmans pour saisir les enjeux d’une offre en mutation et son devenir dans le champ concurrentiel de l’éducationnel à l’horizon d’un nouvel âge de l’islam en contexte minoritaire.

Axe 2. Les méthodes pédagogiques et les programmes au prisme du confessionnel

Une approche sur le processus pédagogique permet d’interroger les méthodes, les outils et les programmes scolaires des enseignants en direction des élèves. Un questionnement sur les expériences pédagogiques des matières générales permettra d’en dessiner les orientations par comparaison aux enseignants des matières d’éthique et de religion. Dans un cas comme dans l’autre, on se demandera comment se construit la relation pédagogique en s’appuyant sur les corpus documentaires, les programmes et les normes mobilisés. L’enseignement des religions, ou encore le cours d’éthique, s’appuie-t-il sur les mêmes outils pédagogiques et les mêmes méthodes d’apprentissages ? Une attention sera portée aux profils, aux parcours et aux statuts des enseignants. En questionnant les expériences des enseignants des matières générales, comme des enseignants de religion et d’éthique, on s’attachera à construire dans cet axe une analyse tant sur les pratiques pédagogiques que sur les processus de socialisation religieuse dans l’espace de la classe.

Axe 3. Le privé confessionnel musulman : un nouvel ordre éducatif en question

Absents des grandes enquêtes comparatives sur les établissements privés confessionnels, les choix scolaires des parents de confession musulmane pourront être questionnés dans cet axe en s’intéressant notamment à la place de l’islam dans leurs stratégies éducatives. Le choix d’un établissement scolaire ne va pas de soi et répond à une pluralité d’attentes (Van Zanten, 2001, 2009). Il s’agit de se demander ce qui distingue les motivations scolaires selon cette configuration. On s’interrogera sur ce qui relève du religieux dans les choix scolaires des parents en tant qu’acte socialement construit dans un espace éducationnel surdéterminé. L’accusation « d’enclaves communautaires »[4] des établissements privés musulmans condamne la légitimité du processus et tend à discréditer les aspirations des parents de confession musulmane jusqu’alors plutôt tournés vers les établissements scolaires privés catholiques. Parler de choix scolaire n’est donc pas neutre et implique de porter une attention aux présupposés qui orientent l’expression d’une liberté des parents à vouloir telle école plutôt que telle autre.

 

Bibliographie

AMGHAR, S. (2010). L’enseignement de l’Islam dans les écoles coraniques, les institutions de formation islamique et les écoles privées. Programme de recherche, Institut d’Etudes de l’Islam et des Sociétés du Monde Musulman ;  Répéré sur
https://f.hypotheses.org/wpcontent/blogs.dir/2204/files/2016/04/RAPPORT-ENSEIGNEMENT-ISLAMIQUE-final.pdf
BOURGET, C. (2019). Islamic Schools in France. Minority Integration and Separatism in Western Society. Palgrave Macmillan Eds
BOWEN, J. R. (2011). L'Islam à la française. Issy-les-Moulineaux: Steinkis
BOWEN, J. R. (2014). L’islam un ennemi idéal. Paris : Albin Michel
DUBET, F. (2010). La République des idées. Paris: Seuil
FERRARA, C. (2012). Religious Tolerance and Understanding in the French Education System. Religious Education, 107, pp. 514-530.  doi.org/10.1080/00344087.2012.722481
FREGOSI, F., WILLAIME J.-P. (dir.). (2001), Le religieux dans la commune. Les régulations locales du pluralisme religieux en France. Paris : Labor et Fides
PORTIER, P. (2016). L'état des religions en France. Une sociologie historique de la laïcité en France. Rennes : PUR
TREMBLAY, S. (2012). Les écoles privées religieuses : un cas de conscience pour les démocraties libérales. Dans G. G. al, Polémiques à l’école. Paris: Armand Colin
VAN ZANTEN A. (2001). L’école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en banlieue. Paris : PUF
VAN ZANTEN A. (2009)., Choisir son école. Paris : PUF
ZUHDI, M. (2018). Challenging Moderate Muslims: Indonesia’s Muslim Schools in the Midst of Religious Conservatism, Religions 9, no. 10: 310
 


[1] On citera néanmoins quelques travaux de chercheurs étrangers sur le sujet (Bourget, 2019 ; Bowen, 2011 ; Ferrara, 2012 ; Tremblay 2012 ; Zuhdi, 2018).
[2] Voir le « rapport Cherifi » (2005), médiatrice de l'éducation nationale, pour qui  4 académies concentrent, selon elle, les signes et les difficultés liés au foulard avec les responsables des établissements scolaires : Lille, Créteil, Montpellier et Strasbourg.
[3] Loi n°2004-228 du 15 mars 2004, encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics français.
[4] En référence aux nombreux débats sur le voile et relatifs aux questions identitaires du modèle de société de type multiculturaliste par opposition à une conception républicaine. Voir à ce sujet l’analyse de J. R. Bowen (2014).
 
 

Modalités d’envoi des propositions

Les propositions de communication en français ou en anglais, de 1500 signes maximum, doivent indiquer :

  • Les noms et prénoms du ou des auteur.e.s
  • L’affiliation institutionnelle
  • L’adresse email
  • Le titre de la communication
  • La référence à un axe
  • Un résumé
Elles sont à déposer sur le site  https://etprimus.sciencesconf.org/
 au plus tard le 10 septembre 2019. 

 

La décision du comité scientifique sera communiquée aux auteur.e.s fin septembre 2019 et le texte complet des interventions est attendu pour le 4 novembre au plus tard.

 

Conditions de participation

 
Le colloque, à visée internationale, est ouvert à l’ensemble des disciplines des Sciences humaines et sociales.
 
 
FRAIS D'INSCRIPTION 
 

Il n'y a pas de frais d'inscription. Les participants sont tenus de payer leurs frais de déplacement et d'hébergement. (Une liste des hôtels situés à proximité de la conférence internationale sera mise à disposition prochainement sur le site).

 

 

Comité de pilotage

  • Rania HANAFI (co-organisatrice du colloque) : Université Côte d’Azur – Université Nice Sophia Antipolis (ESPE) – URMIS
  • Jean-François BRUNEAUD (co-organisateur) : Université de Bordeaux –-Collège Sciences de l'Homme - LACES EA-7437
  • Zineb RACHEDI (co-organisatrice) : INSHEA – UPL– GRHAPES
  • Iman BEN LAKHDHAR : Doctorante en Sociologie de l'éducation - Université Côte d’Azur – Université Nice Sophia Antipolis - URMIS
  • Omara  SANSEGUNDO MORENO, Doctorante en Sciences de l’éducation - URMIS
  • Nancy DELICAT MOUNDOUBE : Doctorante en STAPS - Université de Bordeaux -Collège Sciences de l'Homme - LACES EA-7437
  • Mohamed ELHADDADI : Doctorant en Sciences de l'éducation - Université de Bordeaux -Collège Sciences de l'Homme - LACES EA-7437
  • François ONOKOKO OKITONGOMBE : Doctorant en Sciences de l'éducation - Université Côte d'Azur - Université Nice Sophia Antipolis - URMIS
     
     

Comité scientifique

  • Catherine BLAYA : HEP Canton de Vaud - Directrice du LASALE, Suisse
  • Jean-François BRUNEAUD : Université de Bordeaux – LACES, France
  • Rania HANAFI : Université Côte d’Azur – Université Nice Sophia Antipolis (ESPE) – URMIS, France
  • Vasséko KARAMOKO : Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan – LAASSE, Côte d'Ivoire
  • David KOUSSENS : Université de Sherbrooke – Directeur du CéRC, Canada (Québec)
  • Béatrice MABILON-BONFILS : Université Cergy-Pontoise – Directrice du laboratoire BONHEURS, France
  • Charles MERCIER : Université de Bordeaux/ESPE d’Aquitaine – LACES, France
  • Jean-Luc PRIMON : Université Nice Côte d’Azur – Directeur adjoint de l’URMIS, France
  • Zineb RACHEDI : INSHEA – UPL– GRHAPES, France
  • Fabien SABATIER : Université de Bordeaux/ESPE d’Aquitaine - Directeur du LACES, France
     
     
Personnes connectées : 5